Fermez les yeux, et imaginez-vous.
Vous êtes sur un bateau, en route pour une croisière. L’esprit tranquille, que peut-il vous arriver ?
À un moment donné, un passager trouble votre tranquillité et menace l’équipage. À cet instant précis, le Capitaine met fin à ce désagrément, et protège ses passagers au nom de sa responsabilité disciplinaire et pénale.
Tels sont les principes du droit maritime : le Capitaine a l’obligation et le devoir de répondre aux événement de mer survenus sur son Navire. Celui-ci ne peut quitter son poste, ni ignorer les infractions touchant à la police intérieure.
Maintenant, ouvrons les yeux, et regardons notre téléphone, ou notre ordinateur.
Internet, cet espace pleins d’opportunités qui nous offrait le moyen de communiquer rapidement avec ses proches ou collègues nous montre aujourd’hui ses limites, ses angles-morts.
L’époque où nous partagions nos musiques sur MySpace, ou rejoignions rapidement nos amis sur différentes plateformes a bien évolué.
Appels à la haine, menaces à caractères racistes, homophobes et bien encore : tel est un de ses quotidiens aujourd’hui.
Pourtant, malgré que ces utilisateurs soient inscrits, et donc clients, des plateformes en question, ces dernières sont aux abonnés absents.
Aussi, le responsable de la plateforme n’est-il pas capitaine de son navire ?
Pouvons-nous accepter de la part d’une plateforme le fait qu’elle se déclare non responsable d’un contenu manifestement illicite qui lui aurait été signalé ?
Ces plateformes, qui multiplient et communiquent dès que possible leurs initiatives dans la lutte contre la haine sur Internet, sont en première ligne dans ce combat.
Il appartient désormais aux législateurs, nationaux et européens, de les accompagner et de les encadrer.
La terrible attaque de Conflans-Saint-Honorine nous montre encore une fois l’urgence de légiférer et de répondre à nos responsabilités ; députés, plateformes, associations, magistrats, et internautes.
Car oui, le combat contre la haine en ligne nous concerne tous : nous en sommes tous victimes ou témoins.
N’attendons plus un énième drame pour agir. Ces derniers continueront malheureusement. À nous de mettre en place un arsenal pour les éviter.
Place à l’action !
Internet est un enjeu d’innovation mais aussi de libertés publiques et de sécurité collective.
Au niveau européen, deux textes vont être proposés par la Commission européenne en décembre prochain : le Digital Markets Act, et le Digital Services Act.
Attardons-nous sur ce dernier.
Juin 2000 : c’est la date du dernier texte européen traitant de la régulation du numérique, soit il y a plus de 20 ans et 6 mois. Avouons-le, 20 ans dans le monde réel, c’est deux siècles dans le monde du digital.
Dans le Digital Services Act, marketplaces, réseaux sociaux, moteurs de recherche et autre interfaces numériques seront concernées.
Tout d’abord, au nom de la protection des consommateurs. Par exemple, avec mes collègues de la délégation Renaissance nous souhaitons imposer une obligation d’informations aux plateformes sur la dangerosité ou non d’un bien acheté par le consommateur.
Ensuite, au nom de nos libertés individuelles, et de la sécurité de tous.
Nous ne réalisons jamais l’impact et la gravité de la haine en ligne dans nos vies. Afin que chacun puisse en prendre conscience, je sors toujours des chiffres ou des exemples lors de mes prises de parole.
En terme d’exemples, profitons de la journée nationale de lutte contre le harcèlement scolaire ayant lieu ce jeudi 5 novembre pour mettre en lumière les enfants et adolescents qui en sont victimes à l’école, et sur Internet.
À l’occasion de cet évènement, la Première dame Brigitte Macron a lu une lettre écrite par une adolescente de 16 ans : « La seule chose dont j’ai envie, c’est de partir, de m’enfuir loin, dans un endroit où internet n’existe pas, un endroit où je serai sereine, un endroit où je pourrais m’évader et ce pour toujours. ».
Aussi, en terme de chiffres, avançons celui que Facebook a communiqué dernièrement : ses modérateurs auraient supprimé plus de 9,6 millions de messages haineux sur sa plateforme au premier trimestre 2020. Effrayant non ? Précisons que ce chiffre est malheureusement le double de celui rapporté par la plateforme à la même période l’année dernière.
Posons-nous maintenant les bonnes questions : Quels sont ces contenus ? Quelle suite a été donnée aux auteurs de ces derniers ? Sur quelle base et en combien de temps ont-ils été retiré ? Quelles conséquences ont-ils eu sur les destinataires de ces messages ?
Nous ne le savons pas et nous le saurons peut-être jamais.
Mais tel est le socle de notre combat chez Renaissance : la protection et la sécurité des internautes !
Tout d’abord, visons et nommons le coeur de ce fléau : les contenus illicites.
Nous connaissons tous l’adage juridique « nul n’est censé ignorer la loi ». Aussi, les plateformes ne peuvent se dédouaner d’un contenu expressément illicite que l’on leur aurait signalé. Ne soyons plus aveugle.
Encore faut-il que ce contenu ait été justement signalé par l’internaute.
Nous l’avons vu. Les méthodes et procédures de signalement dépendent de chaque plateforme. Aucune homogénéité, ni harmonisation n’apparait. Il est nécessaire d’inciter l’utilisateur, témoin ou victime d’un contenu illicite, de le signaler. À cet effet, l’accès à cette exercice se doit d’être simple et accessible.
Néanmoins faisons attention et ne tombons pas dans le piège de la loi allemande qui par la NetzDG, imposait aux plateformes justement la mise à disposition d’un formulaire de signalement ainsi qu’aux différentes informations concernant les recours judiciaires.
Pour avoir accès au dit formulaire, l’utilisateur se devait d’aller le chercher vers les paramètres de la plateforme, puis effectuer plusieurs étapes avant d’enfin, pouvoir effectuer son signalement. Le temps que ceux-ci soit effectué, le contenu lui, par sa viralité, a eu le temps d’être vu, et partagé.
À nous d’imposer la simplification de ces procédures par l’instauration par exemple d’un bouton unique de signalement facilement identifiable et accessible près des contenus. D’assurer aussi l’envoi d’un accusé de réception dès signalement, pour être sûr que cette action a bien été pris en compte par le réseau social.
Mais ce n’est pas tout. L’ensemble de l’éco-système est à retravailler.
Nous avons parlé de la procédure de signalement, parlons des méthodes de modération.
Pour le moment, nous avons face à nous un écran de fumée sur la modération. Appelons à une modération humaine et technologique, et transparente. S’en remettre exclusivement à la technologie et aux algorithmes constitue un réel risque de fracture, l’intelligence artificielle ne peut pas tout faire. Aussi, nous devons savoir quels contenus ont été retirés, pour quels motifs, et en combien de temps, et connaitre les suites du retrait.
Par la suite, traitons de la viralité. Les contenus ne sont pas figés, ces derniers peuvent être envoyés d’un utilisateur à un autre comme d’une plateforme à une autre. Il est nécessaire que celles-ci mettent tous les moyens en oeuvre pour éviter la prolifération des contenus illégaux. Aussi, cela implique la mise en place d’une approche coordonnée entre les différentes plateformes, et d’intensifier leur coopération.
Enfin, donnons nous les moyens. Institutions, et régulateurs. Fournissons davantage de moyens financiers et de personnels aux autorités nationales de réglementation et de surveillance afin de que celles-ci puissent être au rendez-vous, et à la hauteur de leurs missions.
Je sais que le chemin sera long, que chaque pays a ses sensibilités. Mais ne nous trompons pas de combats.
N’oublions pas que la devise de l’Union Européenne est «Unie dans la diversité».
Soyons donc unis dans la protection de celle-ci, et mettons un terme à ce fléau qui cherche plus la division plutôt que l’union.
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